Entretien avec Sophia Turkiewicz
Réalisatrice de « Once my mother ».
Pour commencer, pouvez-vous vous présenter ?
Bonjour, je suis Sophia Turkiewicz, réalisatrice australienne du film documentaire « Once my Mother ».
Ce film traite de votre relation avec votre mère et de votre quête pour mieux comprendre son parcours hors norme. D’origine polonaise, elle va connaître des années d’exil, de privation et d’errance due à l’occupation allemande puis russe de son pays durant la seconde guerre mondiale, avant de trouver finalement refuge en Australie peu après votre naissance.
A travers le récit de l’histoire de votre mère, vous nous livrer un témoignage poignant sur des pans méconnus de l’histoire polonaise. Quel travail de documentation avez-vous effectué pour faire ce film ?
Je suis partie des entretiens que j’avais commencés à réaliser avec ma mère à la fin de mes études de cinéma. Puis j’ai été voir un universitaire australien spécialiste de l’histoire polonaise, qui m’a orienté vers une association polonaise pour m’aider dans mes recherches. Par la suite, j’ai eu l’opportunité de me rendre en Pologne pour poursuivre mes recherches. De là, je suis allée en Ukraine pour connaître le village où avait grandi ma mère. J’ai également réalisé divers entretiens auprès d’autres rescapés polonais.
Mais c’est finalement lors d’un séjour à Camberra, en consultant des archives datant de l’époque de notre arrivée en Australie, que j’ai pu avoir accès aux éléments manquants pour véritablement saisir le périple de ma mère auparavant.
Au total combien de temps passé pour effectuer ce travail ?
J’ai entrepris de faire ces recherches à partir de 2008, année où ma mère a commencé à souffrir de troubles de la mémoire. Et je n’ai cessé qu’au moment où nous avons réussi avec mon producteur à réunir les fonds nécessaires pour finir de tourner ce film, en 2013.
Ce film a-t-il été difficile à financer ?
Au début personne n’était intéressé pour financer ce film, en dehors de mon producteur. On redoutait un « énième projet » sur la seconde guerre mondiale.
J’ai donc été amené à revoir mon approche. C’est à ce moment-là que mon film a véritablement pris corps, suite à une prise de conscience de mon « rôle » pour ce film, qui en définitive traite autant de l’histoire de ma mère que de ma relation avec celle-ci…
En ce sens, pour arriver à tisser notre histoire, j’ai tout d’abord rédigé deux versions, une pour la mère et une autre pour la fille….
Ensuite, il m’a fallu trouver un juste équilibre entre ces deux versions. Sachant que tout ce que j’ai vécu est bien trivial, en comparaison de ce qu’a vécu ma mère.
Au final, j’ai abouti à faire ce film, où j’explore également la relation entre une mère et sa fille en soudant sa propre histoire.
Oui, votre film ne nous replonge pas seulement dans des faits historiques « oubliés », mais il traite également de la complexité des rapports qui peuvent s’établir entre une mère et sa fille. Comment, à partir d’histoires personnelles, arriver à une histoire en laquelle chacun peut se retrouver ?
Cela m’a demandé de faire comme si l’histoire que je souhaitais raconter n’était plus celle de ma mère ou la mienne…
De l’aborder comme s’il s’agissait de raconter l’histoire de quelqu’un d’autre, où je ne retiendrais que les éléments nécessaires pour en faire un film.
Il se trouve qu’en dépit de toutes les épreuves qu’elle a pu traverser, ma mère était malgré tout d’une nature enjouée et optimiste…
Elle m’a aussi transmis cela et c’est sans doute aussi, ce qui m’a permis d’arriver à faire ce film.[pc1]