« Grand opéra Verdi », de Michael Wende et Andrea Varga, par Michaël Tixador

Le tour de force de Grand Opéra Verdi est de s’adresser à un large public et de faire ainsi voler en éclat le coté rebutant et élitiste que peut provoquer le mot opéra chez le grand public. Le documentaire de Michael Wende et d’Andrea Varga raconte l’histoire d’un jeune metteur en scène de théâtre hongrois, qui s’essaie à l’opéra en montant sa version de Rigoletto pour l’Opéra de Munich. Les deux réalisateurs ont bien compris que pour intéresser le spectateur qui ne connait rien à l’opéra, il fallait trouver une forme divertissante et ludique. 

La solution a été le recours à la fiction. Le film s’ouvre sur une séquence dans laquelle le spectateur découvre un jeune homme seul, assis face à son bureau. On comprend très vite que nous sommes dans la rédaction d’un journal et que la journée touche à sa fin. Le jeune homme est sur le point de partir quand soudain le directeur du journal lui demande d’écrire un article sur la nouvelle version de l’opéra Rigoletto qui s’est jouée la veille. En effet, la journaliste chargée de rédiger le papier est absente.  Cependant, le problème est double : d’abord le jeune homme n’est pas journaliste mais graphiste et puis il ne connait rien à l’opéra. A l’aide des notes préparatoires à l’élaboration du dedit article, rédigées par la journaliste responsable de son malheur, le jeune graphiste se lance dans ce qui semble être le début d’une nuit blanche.

Les séquences de fiction ne sont pas seulement un prétexte pour parler de l’opéra différemment mais sont réellement un moyen narratif pour faire avancer le récit. A mesure que le journaliste en herbe explore les cahiers remplis de notes, il découvre de nouveaux éléments, essentiellement des photos concernant la conception de cette nouvelle version de Rigoletto. Ces scènes de fiction sont traitées d’une manière drôle et originale renforcées par le personnage du graphiste perdu face à cette tâche qui lui incombe. Le spectateur ne connaissant rien à l’opéra peut ainsi s’identifier pleinement au personnage en apprenant en même temps que lui des choses sur l’Opéra, sur Rigoletto et sur Verdi.

De plus, les séquences de fiction sont agrémentées de moments d’animation, renforçant ainsi le côté ludique du film. Par exemple, la séquence hilarante dans laquelle le graphiste dépité dessine le croquis du célèbre compositeur italien Verdi, qui prend miraculeusement vie pour lui donner de nouvelles informations biographiques le concernant. Plusieurs autres moments de cet ordre ponctuent ces séquences et sont des prétextes à des transitions qui font basculer le film vers d’autres dispositifs, cette fois plus documentaires.

Effectivement, Grand Opéra Verdi est construit à l’aide de trois dispositifs qui ne cessent de s’alterner tout au long du film. Le premier fictionnel, et qui constitue la colonne vertébrale du film. Le second s’apparente à des entretiens classiques, les protagonistes (le metteur en scène de Rigoletto, les chanteurs dont la française Patricia Petitbon) s’entretiennent avec les réalisateurs (absents du dispositif). Enfin, le troisième est une plongée documentaire au cœur de la préparation de Rigoletto (des répétitions à la première représentation). Les deux derniers dispositifs délibérément documentaires interviennent dans le film par le biais de photographies se trouvant dans les notes préparatoires de la journaliste. Ces photos, représentant par exemple le metteur en scène hongrois, s’animent sous les yeux du jeune graphiste et font basculer ainsi le film dans un autre dispositif pour revenir ensuite au dispositif initial qui est celui de la fiction. Le film ne cesse alors de faire des allers-retours entre ces trois dispositifs.

Grand Opéra Verdi est un beau film sur l’échec, pas en terme de documentaire, mais sur celui du metteur en scène hongrois qui n’a pas su conquérir le public exigeant et traditionnaliste de l’Opéra de Munich. En effet, le film est une réussite et parvient à parler d’opéra avec humour et originalité et dans lequel le spectateur apprend tout en se divertissant. N’est ce pas après tout le rôle du cinéma ?

                                                                                                                    Michaël Tixador