Le film tente de tracer une histoire subjective de la jeunesse. L’histoire est racontée avec des images de différentes natures : des archives de l’INA (producteur du film), l’interview d’une « spécialiste de l’histoire de la jeunesse », des extraits de conversations avec Cédric Klapisch et des sketchs joués en grande partie par Norman (Norman fait des vidéos) et Hugo (Hugo tout seul), humoristes de YouTube présentés comme des icones des jeunes d’aujourd’hui. Mais la voix-off et la chronologie historique semblent être les seuls éléments qui relient les scènes entre elles. Elles nous dispensent d’une construction réfléchie.
Le point positif du film, c’est qu’on y découvre des archives souvent très drôles et exceptionnelles, qui nous retiennent de sortir de la salle. Elles font forcément référence à des choses qui ont marqué notre jeunesse à tous : du yéyé au rappeur en passant par les babas cools… Mais finalement on regrette que l’INA produise des films où l’utilisation des archives n’est pas pensée. Elles n’ont qu’un rôle illustratif et ludique. Le réalisateur drague son spectateur avec des archives qui forcément le rendent nostalgique d’une jeunesse plus ou moins lointaine. Il tente de lier les images d’archives à des images actuelles : des sketchs sans intérêt où figurent Norman et Hugo, jeunes humoristes contemporains qui caricaturent les « jeunes », de la préhistoire à aujourd’hui. C’est la touche d’jeunes du film, les adolescents et post-adolescents sont alors ravis.
Il y en a pour tous les goûts, même pour les cinéphiles avec la présence de Cédric Klapisch. Il est complaisant à tous les points de vue. Le film est écrit par Jacques Royer et Cédric Klapisch, mais réalisé seulement par Royer. Ce dernier ponctue le film de discussions banales avec son ami Cédric avec un faux air de « nous sommes vieux mais en prenant les choses du côté comique cela fait de nous des jeunes-vieux».
D’ailleurs on se demande bien à quoi sert Klapisch dans ce film, à part pour faire de la pub. Il a demandé à son ami de réaliser ce film, il l’a lui-même co-écrit. Ce fut pour moi une grande déception de le voir se ridiculiser dans des discussions de comptoir autour de « la jeunesse » et de ses propres films de jeunesse. On apprend rien de particulier et on porte alors son attention à la pendule accrochée derrière Klapisch… passionnant !
En réalité c’est la manière de raconter qui est douteuse dans cette entreprise. Le réalisateur est présent à l’image et nous livre un récit plus ou moins drôle. On croit au premier abord à des choix d’auteur qui induisent une subjectivité marquée et affirmée malgré quelques maladresses. Mais ce n’est pas en montrant des photos personnelles et en se mettant à l’écran qu’on forge une approche subjective du réel et encore moins de l’Histoire.
À force de clichés et de raccourcis historiques (y compris sur sa propre jeunesse et sa propre génération) amenés sur un ton ludique et humoristique et de par son côté faussement exhaustif de l’Histoire, le film se rapproche dangereusement de la pseudo-objectivité des enquêtes télévisées. L’interview de la « spécialiste de la jeunesse» y contribue largement : elle amène un côté reportage qui ne va pas avec le ton léger du film et sa prétention de subjectivité. L’interview qui aurait pu être intéressante ne nous apprend pas grand chose et participe à la fabrique des clichés et raccourcis historiques qui jalonnent le film. Il nous donne une Histoire de la jeunesse prémâchée et caricaturale sous la forme de vérités communes et attestées.
Ainsi on passe d’un registre à l’autre sans construction pensée. C’est un brouillon, comme l’annonce le générique du début : le titre est écrit au marqueur sur une feuille de papier froissée, dans un style « jeune ». L’écriture est caricaturale, tout comme le film qui suit. C’est finalement un film de « vieux » qui risque de très mal vieillir.
Lola Contal