« Vierzehn », «Quatorze ans» de Marisa Middleton, par Jean-Baptiste Mées.

Lili a 14 ans, elle vit avec ses deux frères et ses parents dans une banlieue pavillonnaire allemande tranquille et ensoleillée. Pas de trouble majeur dans la vie de Lili, qui semble détachée des grands enjeux sociaux ou scolaires qui fondent de  nombreux films sur l’adolescence. Non, le grand bouleversement qui traverse la vie de Lili, c’est une formidable ébullition adolescente: elle se passionne pour les garçons, lit des romans érotiques en classe, partage des secrets avec ses copines… A la maison, Lili se dispute sans cesse avec ses parents, qui font tout pour essayer de cadrer leur fille qu’ils aimeraient voir grandir moins vite. Mais c’est un bouleversement doux et heureux que vit la jeune fille, qui semble accueillir ces nouveaux désirs avec aisance et bonheur.

L’année de ses quatorze ans est aussi pour Lili celle de sa confirmation religieuse. Mais plus que de foi, c’est du passage d’un âge à l’autre dont il est question: le voyage en retraite spirituelle à Taizé en France est l’occasion de quitter sa tente pour rencontrer des garçons; la cérémonie de confirmation est un prétexte pour enfiler des talons hauts et mettre du rouge à lèvres …

Marisa Middleton, la réalisatrice, raconte avec beaucoup de justesse l’histoire d’une adolescente qui s’éveille au désir, en n’hésitant pas à flirter avec la fiction : de nombreuses séquences sont clairement mises en scène, comme celle où Lili quitte la maison pour acheter un roman rose au supermarché, avant de le lire la nuit venue, à la lumière d’une lampe torche sous sa couette. La réalisatrice navigue avec aisance d’un registre à l’autre, d’un entretien plus classique (mais jamais conventionnel), à une scène de cinéma direct  ou à une scène plus dirigée, en passant par l’apparition d’images filmées par Lili avec sa petite caméra. Jamais accessoire, la fiction nous emmène plus loin dans l’univers de Lili, lui donne corps, l’investit d’une forme cinématographique qui lui ressemble.

Souvent dans le film, alors que les parents de Lili se relaient pour lui faire diverses remontrances (jamais pour des raisons bien graves), la jeune fille, imperturbable, semble s’échapper par la pensée: en off, sa voix prend le relais. Au fur et à mesure du film, c’est cette pensée qui se construit, son apprentissage des sentiments qui s’élabore.

 A l’image de son personnage principal, enthousiaste et effronté, c’est l’idée d’un film libre et joyeux qui me reste en tête, un film qui ose jouer pleinement sur son caractère hybride pour dresser le portrait incarné d’une jeune fille de 14 ans.

 Jean-Baptiste Mées