PICTURES OF SUSAN de Dan Salmon, par Fleur Frémont.

Faut-il voir l’autisme comme une incapacité ? Pourquoi ne pas se pencher plutôt sur l’extraordinaire processus de créativité qui peut émerger de l’autisme ? Dan Salmon nous propose de découvrir une autre vision de l’autisme. Susan ne parle pas, elle dessine. Nous pouvons penser qu’elle retranscrit sa vision du monde à travers les mines de ses crayons de couleurs à son rythme, à l’abri dans sa chrysalide. Au milieu de couleurs et de formes sortis d’un univers génial et déjanté, incroyablement intriguant, le spectateur prend doucement le temps de découvrir un monde, une approche sensible de la vie de Susan et de sa famille-tribu et des questionnements propres à cette situation singulière.

Entourée par ses onze frères et sœurs qui sont fascinés par son talent, Susan grandit et dessine. Soudain, Susan s’arrête. Elle fait une pause de vingt années et reprend ses dessins là où elle les a laissés, en reprenant les mêmes thèmes.

La famille King conserve et archive ses œuvres, se pose alors la question de l’avenir de ces dessins qui attirent la convoitise des galeristes. Le film bâtit un questionnement propre à cette situation : comment gérer ce trésor ? Qui en est responsable ? Vendre comme une œuvre d’art un bien invendable ? Comment peut-on vendre ce qui correspond à la seule transcription d’une pensée d’un être cher ? Qui peut déterminer si ces dessins sont un mode de communication, une œuvre d’art ou la forme obsessionnelle de l’autisme qui pousse Susan à remplir une page blanche ?

La décision de la famille agace et force le respect, elle refuse de céder les dessins de Susan et d’entamer une collection de plus de 10 000 dessins. Mais finalement le plus important c’est que Susan se réjouit de voir tout un chacun admirer son œuvre et c’est cette motivation qui pousse sa sœur Petita à faire connaître cet univers pictural.

 Nous croisons souvent le regard de Susan, ce regard doux et énigmatique, et son sourire au milieu de cette exposition. Dan Salmon prend le temps de nous faire voir le monde au rythme de Susan, les images prennent le temps de saisir cette perception singulière de ce qui l’entoure. Même si la forme reste relativement banale et que l’esthétique du film n’est pas sa qualité première on gardera à l’esprit un sentiment de justesse, un grand respect et une belle histoire.

Fleur Frémont